Bien souvent socle et partie la plus importante d’un patrimoine familial, l’immobilier est aussi une classe d’actifs qui, en l’absence de préparation, peut devenir source de complexités, de difficultés de gestion voire de fiscalité successorale importante. En effet,

    • En France, en ligne directe, au-delà de 100 000 € par parent par enfant, les droits de succession sont entre 5% et 45% ;
    • A la suite d’une succession, en l’absence de convention et donc d’accord entre eux, une indivision entre plusieurs héritiers peut être source de blocage, voire de dégradation de la valeur du patrimoine immobilier : les décisions de gestion, d’entretien, de travaux ou de vente doivent se prendre à l’unanimité !

Dans cet article, nous explorerons les stratégies juridiques et fiscales liées à la transmission du patrimoine immobilier, notamment par la donation de la nue-propriété, l’utilisation d’une société, voire en passant par la vente à une société familiale.

1) La donation de la nue-propriété

La technique de transmission en nue-propriété consiste à donner de son vivant un bien immobilier, tout en conservant son usufruit (le droit de l’utiliser ou de le louer).

Sur le plan fiscal,

    • la valeur du bien est fiscalement décotée, avant d’être soumise au barème des droits de donation.
    • Au décès du donateur ayant conservé l’usufruit, le donataire ayant la nue-propriété devient plein propriétaire, sans droits de succession supplémentaires.

A titre d’exemple,

    • Bien immobilier valorisé 500 000 €
    • Un seul donateur, âgé de 65 ans
    • Valeur fiscale du bien en usufruit 40%, compte tenu de l’âge du donateur…et donc valeur fiscale du bien en nue-propriété 60%, soit 300 000 €
    • Les 2 enfants du donateur reçoivent le bien en nue-propriété par donation (en l’absence de donation au cours des 15 dernières années par le donateur)
    • Coût des droits de donation en nue-propriété : 16 400 €, versus 56 400 € si succession en pleine propriété

Des clauses complémentaires peuvent être aussi prévues, dans l’acte de donation (droit de retour conventionnel, réversion d’usufruit au conjoint, inaliénabilité, exclusion de communauté, emploi et remploi).

Toutefois, cet avantage fiscal important ne doit pas faire oublier plusieurs problématiques civiles et fiscales :

    • La donation crée une situation d’indivision, qui peut être source de blocage dans des prises de décisions importants (des travaux ou la vente notamment)
    • L’usufruitier aura la charge des travaux d’entretien voire d’embellissement du bien, ainsi que l’imposition (taxes foncières et habitation, IR, IFI) / le nu-propriétaire aura la charge des travaux de structure
    • En présence de plusieurs donataires, la donation d’un bien immobilier reste simple, c’est-à-dire qu’il pourrait y avoir potentiel rapport à la succession entre héritiers au décès du donateur, ce qui peut être source de conflits.

 

2) L’utilisation d’une société

La détention par une société peut permettre une meilleure transmission du patrimoine immobilier, et amoindrir fortement les inconvénients de la détention en direct :

    • A la création de la société pour l’acquisition du bien, en associant au capital de la société les personnes de votre choix, par exemple le conjoint voire les enfants, vous aurez d’ores et déjà transmis une partie de la société et donc de son patrimoine, à moindre coût
    • En cours de vie de la société,
      • Les pouvoirs de direction, de décision et de gestion de la société peuvent être accomplis par une seule personne, quand bien même elle détient qu’une partie de la société, grâce aux statuts de la société ;
      • Les titres (parts sociales ou actions) peuvent être transmis par donation-partage, en pleine ou nue-propriété.

Ainsi, contrairement à la détention en direct, les situations de non décision, d’indivision, voire de rapport à succession sont évitées !

Il est à noter, comme autres avantages d’utiliser une société pour porter de l’immobilier par rapport à une détention en direct, les points suivants :

    • la transmission se réalise sur une valeur nette de la société, c’est-à-dire en déduisant les passifs (emprunts, comptes courants d’associés) des actifs (bien immobilier ou trésorerie)
    • la répartition du capital peut être différente des apports réalisés, notamment par le choix des apports entre capital et comptes courants d’associés
    • le choix fiscal est plus vaste : une société peut être translucide fiscalement (donc imposée à l’IR si détenue par des personnes physiques) comme être imposée à l’IS (par défaut, ou sur option).

Il y a cependant des points de vigilances, nombreux, à regarder de près :

    • le choix de la forme sociale : une société civile immobilière (« SCI »), une SARL de famille à l’IR, une société de capitaux (SAS par exemple) n’ont pas les mêmes contours, ou les mêmes buts juridiques et fiscaux.
      • A titre d’exemple :
        • une SCI ne peut détenir que des biens de jouissance ou des biens immobiliers locatifs loués nus, sauf à opter à l’impôt sur les sociétés.
        • Une SARL de famille devra opter à l’IR, pour que ces associés de la même famille puissent faire de la location meublée BIC
        • Une SAS sera de facto imposée à l’IS.
      • Le choix de la forme sociale peut aussi avoir des incidences sur les types de financements, auprès des banques ;
    • Bien que les titres de la société soient transmis à la création ou par transmission, les comptes courants d’associés ne le sont pas.
    • Certaines décisions de la gérance peuvent être encadrées (par exemple pour décider d’une vente), ou pas.
    • Faire « vivre » une société a un coût supplémentaire : comptabilité, juridique, temps…
    • Certains biens, notamment la résidence principale, ne sont pas réellement adaptés pour être gérés dans une société : perte d’abattements à l’IFI ou aux droits de succession, perte du droit viager pour le conjoint survivant etc…
    • La sortie : si d’aventure le bien immobilier est vendu, est ce que la société reste en l’état, change d’objet, ou est dissoute ?

 

 

3) La vente à une société familiale

Comme stratégie alternative à la donation, il est aussi possible de vendre son bien immobilier à une société familiale.

Cette stratégie doit être étudiée au préalable dans sa globalité, notamment lorsque nous sommes en présence de biens locatifs, qui permettent de rembourser les financements.

Etape 1 – Création d’une société (SCI ou SARL de famille), et rédaction des statuts Etape 1 bis – Recherche des financements

Il s’agit ici de décider de la future répartition du bien (apport en capital social) entre associés d’une même famille.

Les enfants pourraient ainsi être majoritaires, au capital, afin que la société leur appartienne en quasi intégralité.

Il s’agit aussi de bien rédiger les statuts de la société, pour décider de sa gouvernance, des pouvoirs et des limites : ainsi, le dirigeant de la société ne sera pas forcément celui qui la détient en majorité.

Le financement peut se réaliser par plusieurs moyens :

    • Prêt bancaire (avec assurance décès)
    • Apport en capital,
    • Apport en compte courant d’associés,
    • (voire crédit vendeur)

Il s’agit ici de vérifier la faisabilité financière du projet, en fonction des normes bancaires, des revenus et de l’endettement actuel et futur des associés.

Etape 2 – Acquisition par la société du bien locatif Etape 2 bis – Cession du bien locatif

Des droits d’enregistrement chez le notaire seront dûs (7% environ de la valeur du bien).

Les loyers, voire apports complémentaires par les associés, permettent de rembourser les financements.

Les associés ou la société auront un résultat fiscal, à déclarer.

L’assurance décès du prêt bancaire pourrait protéger la famille, en venant rembourser le crédit en cas de malheur.

Le détenteur initial du bien récupère des liquidités de la vente du bien.

La plus-value IR (et non le prix de cession !) est fiscalisée de la manière suivante :

    • 17,2% de prélèvements sociaux, après abattement pour durée de détention (entre 5 et 30 ans de détention)
    • 19% d’IR + 2 à 6% de taxe sur les plus-values élevées (si elle excède 50 000 €), après abattement pour durée de détention (entre 5 et 22 ans de détention)
    • Voire éventuelle CEHR de 3 à 4% en année N+1, dans votre déclaration d’IR

Ainsi, un bien peut être exonéré d’impôt de plus-value si il était détenu depuis 30 ans. 

La plus value IS (Prix de cession – Valeur nette comptable) est imposable dans les compte de la société, soit

    • 15% sur les premiers 42 000 € de résultat
    • 25% au-delà

 

Les liquidités perçues pourront servir à de nombreux projets :

    • Se substituer aux anciens revenus locatifs, voire améliorer le train de vie
    • Se diversifier sur d’autres actifs patrimoniaux (assurance-vie, biens immobiliers, private equity…)
    • Créer ou reprendre une entreprise
    • Et bien d’autres encore !

Transmettre son patrimoine immobilier nécessite une planification qui s’étudie attentivement. Nous l’avons vu, plusieurs stratégies co-existent (donation en démembrement de propriété, utilisation de sociétés, vente à une société familiale)  et ne poursuivent pas forcément les mêmes besoins et objectifs.

D’autres n’ont pas été abordées ici, mais peuvent aussi être développées en fonction des circonstances et de votre situation.

WELLPHI se tient prêt pour déterminer votre stratégie de transmission aux côtés de votre notaire, voire de spécialistes en financement immobilier.

A très bientôt !